jeudi 28 juillet 2016

Un peu de mon coeur en Ariège



Coeur d' Ariège : l'étang d' Arbu (sous les Trois Seigneurs)



Je vis dans les Pyrénées Orientales tout au sud de la France 
et l' Ariège est un département voisin.

Limitrophe même. Mon département est tout en longueur, la tête dans les montagnes et les pieds en éventail dans la méditerranée. Il est juste un peu plus petit que l' Ariège mais 4 fois plus peuplé.
L'Ariège est ramassée, roulée en boule autour de sa petite préfecture, Foix, peuplée de moins de 10 000 habitants. L'Ariège n'aura jamais ni la tête ni les pieds dans la mer, elle a l'eau de ses rivières, de ses lacs, de ses hautes montagnes à plus de 3000 m d'altitude.

Pyrénées Orientales 66

Ariège 09











L'Ariège a juste un morceau de mon coeur depuis plus de 30 ans : mes premiers souvenirs sont ceux de prairies, de fleurs et de cascades, de petites routes de montagne et de sérénité.
Plus tard, connaissant bien la France, j'en ai conclu que
 l' Ariège était une vitrine de nombreux départements français : elle contient l'âme profonde du pays. Sans mer ni océan.
La nouvelle distribution des régions les a mariés : les 2 départements sont désormais dans la même région.
J'ai beaucoup arpenté l' Ariège et j'y reviens toujours, même sans y chercher la montagne. J'y trouve de l'âme.
Ainsi l'autre jour, je l'ai présentée à Mathurin qui a apprécié malgré les 38 ° ambiants.


Je suis allée à la rencontre de Colette une "amie Facebook" qui a son coeur en Ariège aussi. Depuis l'enfance.

Un grand moment convivial dans un camping où j'ai goûté aux joies de la piscine nantie d'un petit air exotique puis Mathu et moi avons pris la route buissonnière. A la recherche de rien de particulier, juste de ce supplément d'âme que je trouve là bas.

Alors je vais vous conduire en peu de mots et quelques images au pays de la verdure, de l'eau et des fleurs.
Tout en précisant que l' Ariège n'est pas QUE ça, mais ce fut la nôtre ce jour là.


Le Saurat
 L'Ariège sait être jaune, sèche, avec ses champs de céréales , et ses villes écrasées de soleil.Il y a beaucoup à dire sur elle, elle a un riche patrimoine historique, géographique, géologique...Merveilleux département !

On a choisi la fraîcheur et nous avons amplement profité des rivières et torrents d'eau fraîche.
dans une symphonie de verts.
Route du Col de Port 1250 m

Descente du Col de Port le Mt Vallier dans le lointain

Le Vallier au télé, 2838 m
 Le soir venu nous avons touché au Port...non il n'y a pas la mer ! Le village minuscule se nomme "Le Port" près de Massat et je ne manque jamais d'y passer la nuit. Il a beau être un Port, ne cherchons pas une rivière navigable . Voici notre décor.

L'Arac (rivière)
Au matin :



Le Port est sur la route du Port de l' Hers : là bas, tout col est "Port".
Hier c'était grand bleu et 38 °, ce matin le fond de l'air est jaune , cela sent les pluies de boues sahariennes.
Tout en vert : net recul des prairies devant la forêt
L'agriculture  meurt doucement

L'Arac et son paradis fleuri, bord de routes ou maisons disséminées
Les villages semblent tout petits cependant l'habitat est très disséminé, aujourd'hui dans les bois et devenu résidences secondaires, hier dans les prés et fermes d'élevage. Ainsi va la vie...

Au Port de l'Hers un souffle brûlant nous assaille malgré l'altitude. Un étang noirâtre, de loin le moins joli d' Ariège est toujours très fréquenté.

Etang de l' Hers

Je préfère le Col d' Agnès, 1570 m, son voisin plus discret et plus joli.

Linaigrettes vers le Port de l' Hers
Mathu a décidé : "Je ne marcherai pas en Ariège". Faut dire que ...je fais une halte au bord de la route et une immense clameur, style barrissement dans la savane, m'accueille dès ma descente du camion. Et comme là haut sur les crêtes, avec les moutons, le troupeau, comme un seul homme, meuglant, s'élance dans la pente et court vers moi. Mathu roule des yeux effrayés et moi, je reste prudemment  près de la portière . Une meute curieuse vient m'observer...oups, un air de réserve africaine sauf que l'animal c'est moi. Curiosité satisfaite, ce beau monde retourne à ses pentes.

Au Col d' Agnès

La meute à grands pas et à grands cris
La plus curieuse


















Oh ! La peur...
Du Col d' Agnès, on bascule sur une autre vallée, celle du Garbet qui naît là haut dans ces montagnes encore enneigées : je ne connais pas ce cirque avec ses cascades et son lac enchâssé dans un écrin, invisible depuis la route : faudra que je répare cette lacune.




Les cascades sont nombreuses sur ces montagnes: ainsi la Cascade d' Ars  que j'ai pu voir, impressionnante avec ses 110 m de haut , au dessus d'Aulus, à 1380 m, très accessible. Une beauté.

Archives 2011
Cascade d' Ars

Juste un morceau
 Aulus les Bains, ancienne station thermale, sagement alignée dans la plate vallée du Garbet est une petite ville que j'aime beaucoup. Dépeuplée, dépossédée de ses vertus thermales elle a gagné en tourisme hivernal puisque la station de Guzet Neige est proche. J'aime aussi y dormir et y flâner en toutes saisons.


Aulus les Bains

Nous ferons une brève escale restaurant, oui Mathurin aussi; il quitte la table avant la fin du repas, ivre ...de voir du monde.















Une troisième vallée nous attend avant le retour : celle de l' Alet, juste la suivante; elles sont parallèles comme les plissés d'un rideau. Et toutes vertes, fleuries, plaisantes. Je fais la cure avant la sécheresse de mon département.

ça y est : des gouttes boueuses étoilent le pare brise, en peu de temps mon camion va changer de teinte, les pluies "sahariennes" sont là même si à Aulus on m'a dit "Ici il ne pleut jamais de la boue". Ces pluies m'accompagneront par intermittence au bout de ma longue, très longue route du retour.

L'Alet  (Vallée d' Ustou)

Et là, dans cette vallée, non contente d'avoir une partie de mon coeur en Ariège, je découvre LE coup de coeur, cette grange désuète pour laquelle j'ai un véritable coup de foudre. Au bord de l' Alet. Les pieds dans l'eau parfois, je pense,  mais elle a bien bravé le temps, vaillant petit navire...






Et si je jouais enfin au loto ?



samedi 23 juillet 2016

Et danser...encore...à 2800 m, sur les crêtes

La randonnée ou plutôt la danse sur les crêtes d'il y a une semaine m'a laissé un goût d'aventure. Alors...j'y retourne bien sûr !
 Nantie de l'aval du cardiologue...Euh...je crois que j'eusse passé outre...
27 octobre 2014 (archives perso) vu depuis le Pic de la Mine 2683 m
130 km de route, une nuit étoilée au bord de la rivière, un petit matin qui dore le pic de Font Frède et me voilà, à 7 h sonnantes sur la piste vers le cirque de la Vignole. Même trajet que dimanche dernier. C'est là haut que j'irai danser Rive Gauche.


Pic de Fontfrède



Je marche bien ce matin, les médicaments font leur effet, j'ai du souffle, du tonus et j'avale le sentier, jusqu'à l'étang où toutefois j'arrive "séchée" : 10 minutes de repos, un en cas et c'est parti pour la grimpe en tout droit que j'attends avec impatience car "c'est ma préférence à moi".
Au fond du cirque de la Vignole : 200m  abrupts

Rondement menée! 40 minutes de gagnées par rapport à la semaine passée, la forme revient.
Elle l'est sans conteste pour deux jeunes catalans qui vont s'offrir les dalles de Les Valletes (2814 m).
Pieds et mains synchronisés j'avale le tout droit, comme à vélo, en "danseuse".




Vallée de la Coume d' En Garcia (qui conduit à la Coume d' Or)

Cirque des Pedrons (2300m env) et Pic de la Mine à droite, 2683 m



Au fond des Pedrons

Je retrouve la clôture électrifiée, je la suis, cap à l'ouest. Il y a un passage piétons que je néglige , je trace mon chemin et soudain la clôture meurt sur un roc au dessus de 200 m de vide. Là ça fait mal !
La clôture est collée au rocher perché
Le contourner...euh...
Redescendre et perdre toute cette montée ? Pas question ! Je grimpe sur un rocher, jette mon sac et mes bâtons et, à la verticale, je m'élance au dessus des volts ...ouf, c'est passé !
Les crêtes m'ouvrent leurs bras, pardon, leurs rocs. je leur ouvre les miens.




 Je marche seule, loin de tout humain, vers l'Andorre mais surtout vers cet énorme "volatile" qui me fascine: un aigle ? Un vautour ? Oui un vautour fauve, campé sur son roc au dessus du vide.

Cerclé, le QG du vautour



Et si j'allais le voir ? Idée saugrenue mais réalisable: la crête sur laquelle je vais danser un instant est un éperon rocheux sur une mer de 200m de vide tout autour.

Mon chemin de roche
Pas sur le piton quand même !
 Je n'ai pas le vertige : le pied sûr et les doigts cramponneurs, je fais abstraction du vide et je me retrouve à l'aplomb du volatile qui se moque de moi en prenant son envol. Juste avant la photo ! Je le suis longuement du regard, j'ai presque pris son perchoir, on en restera là. Armes inégales. Mais il me fait ce cadeau.


Je reviens sur mes pas et continue ma balade en crêtes dans un silence de début du monde, sous un ciel éclatant, dans un cadre grandiose. Pas un nuage à l'horizon, un ciel d'une pureté rare et une chaleur sèche propice à ce genre de parcours. Je sais que je prendrai le temps : de regarder, écouter, flâner, et surtout de laisser errer mon regard au loin vers ces lieux qui me "parlent": l' Aneto, l'Estats, La Sierra du Cadi, le Canigou, le Carlit, et tout ceux que j'ignore, tout proches.

Massif de la Maldeta et Aneto (haut) Pique d'Estats, Montcalm (bas), les + 3000 m
























Le Cirque des Pedrons (gros rocs) en dessous de moi est bien de chez nous même s'il ouvre sur le Pas de la Case, supermarché Andorran par excellence.

Pas de la Case (Andorre)
L'envers du décor : ph Barthélémy Belmonte, au Pas de la Case
 La vie qui grouille là bas a l'outrecuidance d'arriver à moi, je n'apprécie pas ces bruits de moteur qui gâchent ma danse. Car je danse. Hélas je n'ai pas en mémoire le paysage sur lequel je danse et que j'ai pourtant vu dans son ensemble un jour. Je le sais grandiose en mes souvenirs. (voir photo 1 archives)

 Je vois de lui des crêtes plutôt douces, hérissées de quelques éperons rocheux avoisinant les 2800 mais je vois aussi des plongées vertigineuses dans le vide, des crocs redoutables, des abîmes de dalles et d'éboulis, que regardent, étonnés, des yeux bleus liquides, à moins qu'ils ne scrutent la danseuse? Essoufflée et fatiguée la danseuse, elle a mal géré sa nutrition et puis le traitement n'en est qu'à ses débuts. Justement, je laisse pour le retour le 1er Pic de Font Nègre à 2830 m, je vais mettre mes  forces dans celui à 2877 m, le terme du voyage. Je suis le sentier cette fois mais il se ramifie en mille sentiers de brebis que j'emprunte à l'envi, dans le parfum animal,  les gros blocs de granit et le sable blond de bord de mer issu de sa désagrégation : les arènes granitiques qui dans les pentes se muent en roulements à billes! Je surplombe la belle et longue vallée de Campcardos, que je prends le temps de regarder, 700 m plus bas.

Là où je marche ou danse


Là où je danse
Là où je vais
Là où je ne veux pas aller : les abîmes
Là où j'irai au retour (crêtes du Pic de la Mine

Voici le Pic de Font Nègre majeur, 2877 m : c'est un dôme de gros rocs de granit au milieu desquels il faut se frayer passage, sur de somptueux et tout petits coussins d'herbe émaillée de fleurs, bien abrités au grand soleil. C'est magnifique et je savoure, bien que je sois au bord de l'asphyxie, montant à petits pas de vieillard, avec des étoiles noires devant les yeux. Des étourdissements.
Coussins brodés entre les gros blocs
 La sagesse voudrait que...mais...je fais fi et j'arrive enfin au plus haut, avec cette vue qui embrasse l'horizon sur 360 °. Un horizon de pics, des couleurs éclatantes et de névés étincelants. Je bois l'air enfin retrouvé, je bois le paysage et tout simplement, avec un temps pareil, je bois. J'ai doublé ma provision je n'économise pas. J'ai par contre trop négligé de manger cette fois. Au sommet je prends le temps,
Sommet 2877 m
Aujourd'hui c'est tourisme : repos,repas, écriture, contemplation jusqu'à l'arrivée d'un jeune voyageur solitaire peu communicatif. Alors je lève l'ancre pour un autre port, en l'occurrence les 2830 m voisins. Où je savoure en solo le paysage après m'être frayé un chemin dans un dédale de gros rocs et de coussins d'herbe fleurie.
Je vais finir là mon tour de crêtes. Quant à mon tour d'horizon, en plus de danser, je tourne comme un derviche !
L'Ariège, vallée d'Ax les Thermes


















Les yeux de la montagne










Ce sera ensuite un très "sage" retour par le sentier, sans envol au dessus d'un nid de volts. Le passage piétons sera plus sage.




Oui le retour sera raisonnable, par le sentier que j'ai dédaigné à la montée.
Sentier en éboulis d'arènes granitiques


Et bien ce sentier a un des passages les plus dangereux, malgré sa bonhomie ! En effet, à flanc de pente sur les arènes granitiques il promet le roulé boulé à qui a le pied incertain.


Je passe avec prudence, m'offre un peu de crêtes entre Pedrons et Vignole, puis fonce tout droit sur l'étang, dans la pente, juste le temps de croiser un de ces "fadas" en montagne (sans eau et l'électricité pas à tous les étages) et je vais baguenauder sur l'eau tandis que les deux jeunes grimpeurs de falaise du matin descendent un de ces vertigineux couloirs cousin de celui que je grimpai il y a 2 ans jour pour jour dans la Sierra du Cadi (clic). Merveilleux moment que je vécus, alors.

Etang de l'Orri de la Vignole 2496 m

Le Pic de Les Valletes 2814 et le couloir de descente

 Eux aussi ont le bonheur qui brille sur leur jeune visage. Comme je les envie...Ils ne retiennent pour le moment que le raide couloir "fatigant et difficile".
Grimpeurs Catalans 

Là d'où ils viennent


Je descends rapidement, suivie par eux; à intervalles nous nous retournons, chacun admirant ce "toit du monde d'ici" où l'on a déposé un peu de nous mêmes ...nos rêves...

Là d'où je viens (Pic tout pointu au fond)

A bientôt dans ce monde rude et coloré




PS : ah oui, j'ajoute, un retour à la maison sans problème (2h de route et 130 km) et surtout...sans contredanse !

En chiffres
Dénivelé: environ 1150 m
Distance : 15 km environ