dimanche 25 mars 2018

Et si on allait aux bains ? Chauds et sauvages, bien sûr...


Avant propos : 

La fontaine d'eaux (très) chaudes

La chaîne des Pyrénées est jalonnée de thermalisme, en eaux chaudes, froides, voire pétillantes, de phénomènes sismiques et même de volcanisme, heureusement éteint. Il n'est qu'à voir la succession de volcans dans la Garrotxa Catalana. J'ai toujours entendu dire qu'il y avait un volcan éteint à Amélie les Bains...Quoiqu'il en soit , aux 14 eme et 15 eme siècles, des tremblements de terre ont ravagé notre département. Ces phénomènes volcaniques font que dans les Pyrénées Orientales, (comme ailleurs) des sources chaudes jaillissent, sont captées pour donner des bains connus depuis la nuit des temps, Dorres en est un bel exemple, on ajoutera St Thomas les Bains et Llo, sites à caractère ludique. Quant à  Thuès les Bains, c'st un centre de réadaptation fonctionnelle en eaux chaudes et sulfureuses. Je n' énumérerai pas toutes les stations thermales des Pyrénées Orientales, là n'est pas mon propos, toutefois, il existe près de ces sites des bains sauvages, des eaux jaillies dans les montagnes ou auprès (sinon au coeur) des rivières et c'est là que je vais vous emmener, dans les environs de Thuès et Canaveilles.


Les bains sauvages ont deux visages : les bains sauvages bien aménagés et les bains vraiment sauvages.

On y va?
Le décor est celui ci, à 75 km de chez moi;  le fleuve la Têt, né à 2000 m d'altitude, a des eaux dont le débit et la température sont fonction de la fonte des neiges. L'eau, au printemps, est glacée et a un joli débit.
Tout au fond  coule une rivière, la Têt
Devant, court une route, la 116, et en arrière, la voie unique du Canari (petit train jaune)
A droite : Thuès les Bains

 Elle est bien plus paisible en automne, ce qui a son importance puisque les bains, assez prisés, (on y voit de nombreux véhicules en stationnement) exigent la traversée de la rivière, tout au bas d'un sentier que l'on parcourt en 10 minutes.

Canaveilles



Canaveilles : plusieurs bains en enfilade
au débouché
d'un ruisseau d'eau très chaude






Il faut alors se déchausser, franchir le flot sur des pierres glissantes et enfin on peut savourer le bain chaud, si l'on n'a pas déjà pris le bain -forcé - glacé. En ce site, si on observe le fond de la rivière, on voit des algues filamenteuses et des bulles d'eau chaude sortir d'entre les cailloux et crever à la surface.


A ces bains trop fréquentés je préfère un petit bassin qu'un "sauvage" épris de solitude comme moi a aménagé dans un lieu désert, voire angoissant, où il ne faut pas traverser la rivière, juste faire trois pas dans l'eau avant de savourer.

Le bain du "Sauvage"
Une très ancienne station thermale vivait autrefois dans ce site, dans une gorge étroite et profonde, mais les crues de la rivière ont eu raison d'elle. Il ne reste rien d'autre que des ruines. Thuès, à quelques centaines de mètres l'a remplacée.

Chemin d'accès

Ruines











Un chemin à demi démoli, un sentier exigu et me voilà arrivée. Il n'y a personne, c'est fort bien. Le sentier  devient mon vestiaire avant que de m'allonger dans la "piscine" moins grande qu'une baignoire de salle de bains!
Alors il ne me reste plus qu'à déguster.




 Un bain en eaux sauvages n'est pas idyllique, il faut composer avec des éléments peu ragoûtants :des algues plutôt répugnantes , de la vase qui tapisse le fond, agrémentée d'un stock de feuilles mortes que le moindre mouvement agite, et des mouvements il faut en faire !


Différents spécimens d'algues
avec lesquelles il faut cohabiter 







 La lecture paisible est impossible!
Ce jour là je lis un livre( le thème ) après attentats de l'Hyper casher
 et juste avant celui de Trèbes...
le livre a pris un bain aussi


L'eau chaude, très chaude ce jour, car sa température est très variable selon les jours comme dans toutes les sources chaudes, ne se répartit pas équitablement dans le bassin; l'eau bouillante reste en surface, au fond, c'est tiède.


La fontaine sulfureuse jaillie de la roche

Alors il faut brasser, mélanger, pour éviter de se brûler surtout. Donc on agite la vase. Qui vous enveloppe de liquide noirâtre mais inodore. Hormis l'odeur de soufre, cela ne sent pas et, paradoxalement on ne se sent pas sale. Un immense bien être envahit le corps, une zénitude, une relaxation. La peau est douce, les cheveux aussi et on n'a aucune envie de se doucher au retour, d'ailleurs ce n'est pas conseillé. Pour conserver les bienfaits.
Je reste longtemps dans un silence ...mais non, un vacarme de la rivière qui varie à l'envi selon qu'on met ses oreilles dans l'eau. Près de mon crâne, la source est à éviter comme la peste ! Brûlure garantie; je n'ai pas emmené le thermomètre il eut explosé !

Eaux chaudes et eaux froides de la rivière
Dans une trouée de ciel, entre les murailles de ce défilé, des nuages courent dans des fenêtres bleues, le temps est très maussade et l'air ambiant très froid. Pas un humain (tant mieux) juste quelques oiseaux qui s'essaient au chant du printemps, c'est dans 2 jours !! La rumeur des voitures sur la nationale me parvient assourdie, avalée par la rivière. Le petit train jaune est passé, a sifflé lugubrement et a disparu. je suis bien.

Sources dans les falaises

Mon paysage


Plus tard, j'irai visiter le minuscule village de Canaveilles haut perché, j'aurai juste l'envers du décor de ma salle de bains.
Envers du décor: Canaveilles depuis mon bain

Et endroit du décor : mon bain depuis ce chalet

Un peu plus loin se trouve un site assez remarquable aujourd'hui presque inaccessible. Il était fait de trois vasques aménagées et propres, très fréquentées, dont la municipalité ou les gestionnaires de la route ont rendu impossible l'accès; on ne peut plus se garer. On y accédait en s'aidant d'une corde fixe, l'accès en est toujours possible mais il faut aller le chercher très loin, trop loin...
Dans ce secteur se trouve une cascade d'eau chaude que l'on voit fumer depuis la route, en hiver et se pratique le canyoning en eaux chaudes.

Le site (difficilement accessible)de Thuès :
vasques propres et aménagées
J'ai fréquenté quelques bains chauds et sauvages, d'autres aménagés et payants, en Ariège aussi. Evidemment, ma préférence va aux plus sauvages, aux plus authentiques et rustiques.


Merens les Vals : Ariège

Ax les Thermes : Ariège

Il fut un temps où je m'étais lancée à leur recherche, comme, adolescente, je traquais les sources minérales pétillantes dans la montagne, aujourd'hui taries.

St Thomas les Bains
Alors je ne vous invite pas à aller dans "mon " site que je partage avec un "sauvage" inconnu, 
il est difficile d'accès, difficile à trouver, 
et puis....
 j'en fais mon aquatique jardin secret...
..




samedi 17 mars 2018

Un plein de surprises : le Gra de Fajol, 2706 m

Mon unique projet était d'aller enfin à ce Bastiments, 2883 m d'où on a un superbe panorama, où on profite d'une sévère montée, où, enfin et surtout, je voulais aller tester ma forme..
Tout commence la veille , 100 km de route et une météo heureuse pour le lendemain. Et puis il y a une autre heureuse, moi. J'aime beaucoup ces lieux, Vallter 2000, qui permettent de belles altitudes hivernales sans s'épuiser dans une longue approche. Le parking est à 2156 m, un honorable départ en hiver. Et j'ai très envie de me tester !!Les piolets et crampons me démangent.


2156 m parking de la station de ski de Vallter 2000
panorama depuis mon lit






 J'aime la route qui mène à Vallter. Elle a un charme fou avec ces paysages de montagne que l'altitude dévoile.Une météo très maussade ne me refroidit pas, je dors là haut, on verra bien. La tempête à Vallter est presque ma seconde peau, là bas.
Hélas (ou tant mieux) j'y suis abonnée .
Je ne m'arrête même pas à mon village de coeur, Setcases.
De Setcases à Vallter il y a 12 km de route très pentue : l'altitude passe de 1280 m à 2150 m.





J'y fais de belles rencontres. Des statuettes de glace sculptées par le vent, minuscules, et un isard curieux qui m'attend sur la bas côté.
La danseuse
Mimétisme

Curieusement, le parking de Vallter que j'ai toujours trouvé absolument désert est habité: fourgons et camping cars. Petit regret.  Finies mes soirées solitaires dans les nuits tempétueuses. Vallter ne sait déroger à la règle, ce sera rapidement un déluge de pluie.




Soirée calfeutrée et chaleureuse, la nature se déchaîne dehors. Au matin le parking est un miroir de glace luisante sous un ciel pur.Le Ciel étincelle et le Bastiments (2883 m), fier et élégant, me laisse dubitative : le vent y souffle avec violence. Des tourbillons de neige courent sur les cimes.


Le Bastiments, mon projet 

Comme avec le Diable aux trousses, je file sur les pistes, crampons aux pieds, tenue yéti et piolets dans le sac. Car j'ai un projet...Grimper un tout droit que j'ai déjà gravi, avec les piolets.

En tenue yéti


Soudain, alors que le soleil inonde de lumière blonde le monde glacé, un vent terrible me saute au visage; encore une fois ! Je remonte la piste de ski dans un épouvantable vacarme, cette fois le vent ne se taira jamais. Je ne comprends pas pourquoi la dernière fois la station était fermée et pas aujourd'hui. Parce qu'il fait soleil ?


Gra de Fajol

La violence du vent

Je peine très fort contre ce vent de face, même pas question de poser l' APN au sol, il serait immédiatement emporté. Je me régale mais je fatigue. Quelle montée énergivore !! Aveuglée et asphyxiée, vaillamment , (en 1 h 25 contre 1 h 26 lors de la dernière tempête), j'arrive au chalet, en ayant laissé en mon sac le projet de grimper tout droit vers les crêtes. Les crêtes ne sont que tourbillons de neige furieusement arrachée. C'est impressionnant et désert.
Je vois pourtant la mer, bien dorée là bas au loin, du côté de Rosas.


Auprès du chalet, arrivent les skieurs courageux, se prépare le poste de secours et la station météo s'active : vent à 80 km/h (ressenti du 130 en plaine) et moins 1.7 °.

Poste secours/ Station météo/ Arrivée tire fesses

Le risque d'avalanche est clairement affiché, claquant au vent devant le Gra de Fajol.


Je ne pense pas aller plus loin, je reprends des forces, répare mon pantalon Kway éventré par les crampons et le vent. La bonne idée d'avoir logé les inutiles guêtres dans mon sac au dernier moment...Et si je tentais le Col de la Marrane, ses 2529 m et les coups de boutoir du vent qui jettent au sol ?? J'ai connu...
Tenue yéti, pantalon éventré (et venté)
Le vent est si fort que j'ai la sensation que le rocher bouge 

C'est parti ! Le vent aussi vient de partir, d'un coup et un brouillard gris et neigeux envahit le cirque, estompant le col et les sommets dans une brume diffuse: du plus bel effet. Cela décuple mon énergie.
Qui en a pris un sacré coup dans la montée.

Gra de Fajol Gran (droite) et Petit (Gauche)

En quelques minutes, changement de temps

Pour ménager mes forces, j'évite de perdre du dénivelé et je file en courbe de niveau  vers le col. Je suis en pleine pente, un piolet en main en guise de frein car si je dévale, je serai vite un bobsleigh humain.


Mon chemin 

En pleine pente

Tout petits en bas
 Personne jamais ne passe par là, alors bien en dessous de moi, de fines silhouettes arpentent ce qui devrait être mon chemin. Dans un bruit de ferraille : les couteaux de leurs skis.

Au zoom



Dans la montée avec mes pantalons réparés







On se rejoint près du col et je grimpe en tout droit, pour m'amuser, quelques mètres.







Sortie au col
Le col est peuplé, certains se devinent dans la brume opaque qui ensevelit le Bastiments, beaucoup hésitent et font demi tour. Je n'irai pas aux Bastiments, j'ai trop donné en énergie, je suis "séchée" mais je vais tenter les 2706 m du Gra de Fajol. Tenter...

Aujourd'hui, tout est masqué
31 mars 2013: pic de Bastiments et Col de la Marrana (1er plan)




Nous sommes trois à en prendre le chemin. Le vent est revenu, la poussière de neige et le brouillard donnent à nos silhouettes une allure un peu fantasmagorique. Je bénis mes crampons, c'est fort gelé. La glace craque sous les pas, la montée est sympathique. Je sais le paysage magnifique aux alentours, quelques trouées lumineuses dans la brume le rendent beau et mystérieux


Silhouettes à La Marrana:  beaucoup font demi tour.
 Je monte d'un pas régulier, c'est sûr, en temps serein, je n'aurais eu aucune peine à atteindre les Bastiments ! Me voilà rassurée.
En vue du sommet

Au sommet 

Petit clin d'oeil..avec mon piolet
On trouve souvent de faux piolets et des croix aux sommets
Je m'attarde au sommet qui se peuple ; un petit en cas de plus;  je n'ai pas envie de redescendre.
Il en va toujours ainsi. Je savoure, c'est comme une ivresse sans alcool !
Je redescends rapidement, les crampons rendent le pas sûr car c'est fort glacé.
Au col de la Marrane, je me jette dans la pente avec assurance en un rapide tout droit, j'ai repris en main le piolet. Oui...Ludo....je ne l'oublie plus mon frein !

Descente : "prudent en raquettes". Le Bastiments ou Géant en face

Le "prudent en raquettes" hésite un moment avant de suivre mes traces.

Pas très rassuré, je le comprends !
Une longue et agréable descente de près de 200 m qui m'a fait peur par le passé...mais j'ai progressé !
Sur cette pente, beaucoup de marcheurs à skis, crampons ou raquettes dans un joyeux désordre, chacun cherche le meilleur chemin. Des chutes aussi, c'est très pentu. Je reste sur mes jambes. Quand c'est glacé, c'est impressionnant; je l'ai monté sans crampons un jour de gel...quel souvenir ! Il faut choisir les bonnes empreintes et y loger un pied sûr!

Là c'est encore ferme, pas gelé mais ferme.

Beau décor devant mes yeux. Le Canigou je crois
Dans l'antre du Cirque, où naît le Ter et que je traverse hors des traces je fais une merveilleuse rencontre : un énorme igloo à 2 places dans lequel je me glisse. Une douce chaleur, une lumière verte. Un monde à part...



Igloo, juste au pied du Gra de Fajol, altitude 2366 m

A l'intérieur

A la porte

Je m'y complais un moment puis je regagne la piste, monotone chemin de retour de 2 km. Je prends une leçon de skis que je ne pratiquerai jamais. Trop tard. Rien n'est trop tard dans la vie, il faut juste ne pas se disperser et fixer ses préférences.

Je descends, je les regarde évoluer, le temps passe vite : un tronçon de rouge bien pentu et je suis chez moi !
Parking de la station : mon camion dans le cercle rouge 
La suite...je vous la dis ? Allez soyons franche...Elle se situe à Setcases, "Al Mouli"
Est il besoin de mots ???

La patronne me reconnaît, elle soigne la brûlure de ma peau avec une crème miracle.

Pain tomate / Potage / Morue en ratatouille au feu de bois / Crème catalane brûlée
Et...du rosé !

En chiffres

Dénivelé : 600m environ