jeudi 27 août 2015

A Tor à travers monts et chemins.

Pourquoi ai-je voulu aller à Tor ?
Car Tor est un lieu, un village.
C'est toute une histoire. Celle qui allie ma curiosité naturelle pour les lieux insolites et les "trous perdus", en passant par des chemins impossibles si possible, dans les endroits les plus sauvages et isolés de préférence, enfin des lieux qui me ressemblent à ma propension à chercher à rencontrer
l'âme profonde d'une région.
Sinon à me fondre dans ces lieux qui ont une âme.
Et puis j'ai une amie qui se nomme Tor, c'était un peu lui faire un cadeau.

Donc, au retour de mes 3000m en montagne, avant de quitter la Vallferrera, la vallée du fer, qui a une histoire de 2000 ans avec l'extraction du fer, interrompue comme chez nous dans les années 1980, je prends la route de Tor.
Prendre la route c'est vite dit car sur la carte, elle a un long parcours en pointillés (ce qui signifie piste de terre). Aïe, je "sors d'en prendre", 22 km c'est déjà beaucoup. L'heureuse surprise viendra à bon escient.
La vallée dans laquelle je vais "me perdre"
Au village d' Allins dont je reparlerai, je prends une petite route goudronnée qui évolue dans un grandiose paysage de monts tourmentés.

 Une rivière longe la route , enfin, le contraire, la rivière était là avant : c'est la Noguera de Tor.

Cette région proche du Val d' Aran a un grand nombre de  rivières nommées Nogueras comme les Pyrénées ont leurs "Nestes" ou leurs "Gaves".

La Noguera de Tor manquait à mon palmarés des années passées.




La voici sautillante, pétillante, cascadante.

Noris
 Je laisse, non sans le visiter, le petit village
de Noris et je file vers Tor.









Dans ces villages, ma question à la première personne rencontrée est toujours : "Combien d'habitants y a t'il l'hiver ?" la réponse ne me surprend jamais. Ici c'est un seul.
Une bonne nouvelle : la piste de Tor est cimentée sur une grande longueur, plus de 5km.

Une bande de ciment étroite, mais agréable à la conduite.







La piste de terre , en fin de parcours, sur 2 km, est assez difficile par places . Cependant cette piste a une particularité, elle file sur l' Andorre, à un col où j'étais allée. Rallier l' Andorre me paraissait une évidence mais la piste est impraticable aux véhicules comme le mien. Séquence déception.






Alors j'arrive à Tor, 20km après le départ. Arrivée surprenante car j'ai croisé (difficilement) un 4x4 et, en guise de boutade, j'ai dit au chauffeur, en catalan, en riant:
-" je suppose que je vais trouver un bar restaurant ?"
-"oui" me répondit-il, "la première maison".

Qui se moquait de l'autre ?

Effectivement, au détour du dernier virage , j'ouvrais des yeux immenses pour voir à quoi ressemblait Tor. Un fouillis de véhicules, un fouillis de vieilleries diverses, un fouillis de ruines et cette demeure imposante, immense, en pierres d'ici :le bar restaurant !!!
Je n'en crus pas mes yeux d'autant que je ne vis rien d'autre de Tor!


La maison est ancienne et la façade austère s'égaye , une touche féminine.


Mon premier soin est de poursuivre: il y a peu de maisons, quelques ruines, une vieille église ST Pierre au pied de laquelle commence la Noguera de Tor, née de la confluence de 2 rivières.

Eglise, confluence de vallées et naissance de la Noguera de Tor
 Le village de Tor se dessine...et je le découvre doucement.
Le restaurant viendra après, cerise sur le gâteau, je me lèche les babines...

Au départ de la piste pour l' Andorre...
regrets déjà





De bric et de broc : le fenil
En attente de " récup"
Artisanal et fonctionnel


La maison mystérieuse...à suivre



Comme il est midi je vais "au restaurant". Je monte un étroit et raide escalier de bois et j'entre précautionneusement dans une petite pièce encombrée de tables. L'une d'entre elles est occupée par un groupe qui mange et un grand feu brûle dans une vaste cheminée d'antan : je viens de franchir la porte du 19 eme siècle !

Mon arrivée n'est pas incongrue : "Que veux tu manger?" me répond en français une jeune femme vive et pétillante, "le repas du matin ou de midi?". C'est vrai qu' en terres d' Espagne on prend un copieux repas à 10h. Je m'installe au coin du feu d'abord, sur ce banc nommé "el canto" (le cantou) et j'écoute. je grelotte bien qu'il ne fasse froid, à cause de mes courbatures.



ça vit, c'est animé et ça rit beaucoup; moi à l'unisson. Ma présence de femme seule et baroudeuse est un bon sésame. On me racontera beaucoup de choses, on m'interrogera aussi pendant mon repas
fait d'une montagne de salades toutes fraîches du jardin d'ici, de charcuteries à se lécher les babines et d'agneau grillé au feu de bois.




Le porro, dont je ne sais me servir me régale d'un vin rouge frais et légèrement sucré, de ceux qu'on boit avec plaisir  et sans modération si...




Voilà le personnage clé d'ici : Josep.
Je ne le connaîtrai un peu mieux que par l'enquête que je ferai plus tard et grâce à notre rencontre sur la route , à mon départ.
Mais c'est promis, Josep, je reviendrai, tu me dois trop de choses.
"Tu en auras pour la journée" m'a dit Josep en français.
Quel étrange personnage, c'est l'historien/poète/conteur/rebouteux/sage du village...sculpteur à ses heures. Et tout ce que j'ignore...encore...





La petite pièce se remplit : des ariégeois arrivent . Ce sera conversation animée et "polyglotie" assurée. dans la pénombre, un grand moment : le village n'a pas d'électricité, un gros groupe électrogène pourvoit à l'auberge.
Autrefois l'électricité existait, fournie par la rivière. Qu'une crue détruisit. Qui en a besoin aujourd'hui dans un village sans habitant de novembre à avril ?


Cette piste de l'Andorre est un parcours très prisé pour motards, "aventuriers", groupes etc... avec escale à toute heure "Casa Sisqueta". Ainsi je rencontrerai un néo zélandais, un gersois, des Israéliens , des français, en l'espace d'une journée car sitôt arrivée, j'ai décidé : "Je reste là, je repars demain".
Ah c'est riche une journée...

Josep m'envoie faire ma sieste tout en haut de la colline, (turo = colline), d'où le nom plausible du village).
Des collines il y en a et des montagnes aussi. Mais cette colline au sommet de laquelle je grimpe en ligne directe dans les herbes (150 m d'à pic) a une histoire esquissée par Josep (oui je reviendrai)
Château cathare car c'était la route du sel entre France et Espagne (Gerri de la sal est proche), il dominait vertigineusement les chemins d' Espagne et d' Andorre.

Tranchée au château; à gauche la tour
Un chemin ?

Vue de l'église : le château sur sa colline




Vue du château : l'église au bas de la colline
















L'ancienne église St Pierre sur la colline

La tour du château depuis l'église en ruines




S'allonger dans l'herbe au pied de l'église et écouter...le vent dans les collines et à travers les montagnes, les voix et les aboiements qui montent du village, les moteurs qui dévorent la piste et puis le silence qui précède la pluie, les premières gouttes qui s'écrasent sur ma peau. Espérer que ce moment se prolongera puis dévaler dare dare la colline avec ces jambes et ce pied douloureux des 3000... En cueillant au passage quelques cèpes gorgés d'eau. Il pleut tous les jours....
Je me réfugie dans mon camion, sous la pluie drue, face à la maison mystérieuse, close, hermétiquement, avec cette cheminée qui fume et un bras vif qui jette une bassine d'eau.
Mais je ne savais encore rien sur Tor....
Il pleut sur Tor au réveil de ma sieste
Il pleut très fort sur Tor

Le groupe au parapluie





 Il pleut encore très fort quand je me réfugie au coin du feu. Cela bat, cogne et ruisselle, inondé parfois par les taches brillantes du rayon de soleil.
Au restaurant le feu brûle toujours et la petite salle de désemplit pas .


"Pili" (Pilar) se démène , en français, anglais ou autre, prompte à servir collation, boisson et chaleur humaine du haut de sa pétillance : quelle femme !

La foule me saoûle et je préfère, parapluie en main, filer sur la piste de l' Andorre.




Quelle piste.... Démolie, défoncée, de schiste noir et de roche ferreuse, le long du torrent énervé...




Luisante sous l'ondée, dans la solitude parfaite .
et puis arrivent les Israéliens vrombissants, appliqués au volant, amusants de sérieux.


La piste de l'Andorre



 Dans le silence et le soleil revenus, je savoure cet appel du grand large 
que connaissent les marins ou les montagnards.


Le soir tombe doucement, enveloppant Tor de brumes, de calme, de silence, de quiétude, jusqu'à demain sans doute
Ma nuit sera paisible et douce près du nid de la Noguera, devant la maison mystérieuse.




Mais....
Ce n'est que de retour chez moi que j'apprendrai tout ce qui ne me fut pas dit...
Tor fut voilà 30 ans le théâtre d'un grand drame de possession terrienne et de pression immobilière pour en faire un grand site de domaine skiable.
Tor gagna dans un bain de sang : 3 crimes y furent commis, mystérieux, un peu style vendetta.
Trois victimes qui divisèrent à jamais le village.
Peut être faut il y voir  la clé de la maison mystérieuse ?

Je le saurai un jour, en retrouvant Josep...

Josep le sculpteur dont les oeuvres simples enjolivent Allins

Quelques oeuvres de Josep à Allins



(Je dédie ce reportage à Anie...)



vendredi 21 août 2015

"J'ai rendez vous avec vous"...les 3000

Tout a commencé le 16 août 2014 : ce jour là, j'ai manqué mon rendez vous (clic) par faute de préparation, de connaissances, mais non par incapacité physique. Donc, pendant un an, j'ai désiré recommencer. Sur les conseils avisés de Ludo, j'ai changé mon lieu de rendez vous. Quant à la date si ce fut un 16 août 2015, ce sont les seules lois du hasard,et  mieux, de la météo.

250 km et 5 h de route sont nécessaires pour rallier le lieu d'où je m'élancerai, en Catalogne sud. Tout au bout de la Vallferrera (la vallée du fer) , au terme de 11 km de piste de terre à parcourir en 1ere : moment de découragement, s'il en est....
La piste  longe le torrent
Très étroite et défoncée les 1ers km





















Pourtant en cette nuit du 15 au 16 août, ce ciel piqueté de millions d'étoiles me confirme que j'ai bien navigué : voilà 2 jours que j'use mon parapluie de villages en villages.



J'ai découvert dans le village de Ferrera, exilé au bout de sa route, cette plaque incongrue : elle est là pour moi, je le sais !
Dimanche 16 août : 7h05 du matin, 3° , je m'élance pour une épreuve d'endurance comme je n'en ai jamais connue, ce sera mon record de dénivelé. Mon sac est bien organisé sans poids superflu, mon alimentation (le point faible) bien ciblée, mes inévitables douleurs au doigt cassé seront à gérer, ma boisson est peu conséquente, il y a des ruisseaux, et mon énergie est bien armée.




Je marche, seule, bien sûr. mais je sais que le chemin est pavé de bonnes attentions : il y aura du monde. Le souci de la solitude, facteur d'échec l'an passé, ne sera pas au RDV.


Le refuge de Vallferrera à quelques minutes du parking a été le théâtre d'une violente scène d'hiver; il a eu beaucoup de chance, construit au bon endroit. L'avalanche a tout arraché : arbres, passerelle, sentier.
Refuge de Vallferrera 1905 m







Je commence la montée en solo avec une bonne prise de dénivelé comme partout dans ces vallées ou celles de l'Ariège frontalière. Mise en forme rapide.







J'ai en mémoire plus ou moins le profil de la "promenade" ce sera de l'inédit, ici, les montées alternent avec des descentes : franchement je redoute, ça casse les jambes, je n'ai jamais fait. Ni de dénivelé aussi important mais j'essaie de ne pas me focaliser là dessus.


Je pars simplement avec l'idée de grimper le plus haut possible, une année m'a rendue modeste.
La montée sera d'abord longue et monotone, dans l'ombre et le vacarme de l'eau . Mais comment la montagne peut elle contenir tant d'eau ? Des cascades en enfilades, des vasques, des torrents, cela sourd et jaillit de partout.


Il en sera ainsi de 1800m à 2500m: de l'eau à écouter, à traverser, à consommer aussi...sans modération !






Dès que se calme l'eau, la montagne est silence. Pour l'heure il n'y a personne; les plus matinaux m'ont devancée,  je ne m'en plains pas.  Le soleil me tient compagnie, l'herbe glacée dégèle et des milliers de perles se mettent à luire comme par magie sur la prairie. Que c'est beau....

Plans de Sutllo, 8h50, 2206 m; vue vers l'aval
L'étang de Sutllo auquel j'aborde à 9h25 est le premier lac: un lac en montagne c'est toujours un joyau.





C'est là que la magie opère, la montagne prend une nouvelle dimension; je ne sais pas encore que cette "colline" tout au fond, haut perchée et arrondie est mon but : La Pique d' Estats, 3143 m








C'est à l'étang de Sutllo 2350m que je rencontre mes futurs coéquipiers épisodiques, une famille de Valencia avec qui je converserai en espagnol.






Puis je rencontrerai au franchissement aléatoire d'un torrent mon photographe attitré, un Barcelonais qui marche avec un ami: leurs tee shirts m'amusent, pour la circonstance ils ont fait graver  : "En me levant ce matin je ne savais pas que j'irai jusqu'à 3000", en catalan.

D'ailleurs je parlerai surtout catalan ce jour.






L'étang d' Estats est à peine un peu plus haut, il y a 100 m de dénivelé à gravir..Je marche depuis 3h. Il a une extraordinaire couleur qui deviendra de plus en plus belle au fur et à mesure que je monte, comme pour donner des regrets : non, tu ne me retiendras pas lui dis-je, après une rapide collation.
Etang d' Estats, 2465 m, 10h13

Parlons en de la collation : je ne mange presque pas en montagne mais là mes lois seront déjouées, par nécessité,  et je passerai bien plus de temps à écouter mon corps : la faim n'est pas là, le vide à l'estomac, oui. Alors je grignote, à peine, avec dégoût. Je mets à profit les descentes pour que le carburant fasse effet à la montée ; les préceptes de Ludo sont là. ça marchera finalement, moi aussi !

A présent c'en est fini des longueurs de sentier un peu agaçantes. Les choses sérieuses s'affichent : le Port de Sutllo est mon angoisse majeure, suivie de sa raide descente de l'autre côté.
La photo ci dessous écrase la pente mais parfois elle s'apparente à un couloir : 50 ou 60° par places. Dans du caillou; il y a bien un sentier, vertical, mais détrempé et glissant. En Espagne, les rudes montées sont toujours en ligne droite alors qu'en France la ligne brisée est de rigueur. Savez vous pourquoi ? moi non mais je suppose....Les Espagnols randonnent jeunes avec de solides jambes; chez les français, la moyenne d'âge gagne une ou deux décennies...Telle est mon explication....
Avant la montée au Port de Sutllo, dernière "plaine".

La montée au Port (Col) sur près de 400m de dénivelé, une épreuve.




 Toutefois je me plais à aimer cette forte pente. Je préfère ces prises rapides d'altitude à ces molles tergiversations précédentes.

Je me retourne pour la beauté du site.
Ses couleurs, son relief,








Ce n'est pas tous les jours que pareil décor illumine notre quotidien.

A quoi pensai-je pendant cette longue approche ?
Pas à grand chose, en vérité, j'étais comme au spectacle, avec cette avancée mécanique , attentive à ma posture, à la faim, à l'effort, à la respiration.
Qu'est ce que j'ai pu progresser ces derniers temps en matière d'endurance et de forme physique !




2874 m : le Port de Sutllo, et la vue qui bascule sur l' Ariège, les lacs, les névés du versant nord. dans une débauche de couleurs. La roche est ferrique, des deux côtés, sanglante parfois, réveillant le vert, le bleu, le blanc. Une extraordinaire polychromie.

Je ne m'attarde pas, l'élan me pousse vers cette Pique que j'observe depuis longtemps, où je vois plein de silhouettes. Il y a le chemin des crêtes, direct, attirant, pas pour moi en étant seule. Sinon....,
Port de Sutllo, étroit et tourmenté
Je prendrai la voie normale qui descend, descend...j'enrage;  perdre cette altitude pour regrimper est frustrant !

Ariège dénudée


le sentier descend très fort vers l'Ariège, étang de la Cometa d' Estats (2750 m)
Puis les choses sérieuses recommencent , avec quelques névés, de la belle roche sanglante à longer ou à gravir, tout est facile. Pour moi. La Valencienne est en souffrance.











Le paysage est minéral, il y a bien longtemps que toute trace végétale a disparu, dans la montée du sévère col.

Je franchis un grand névé avec précaution...les souvenirs affluent...mon pied se porte plutôt bien , merci le névé.
Et du col de Riufred, 2783m ( c'est dire si de l'altitude a été perdue après celui de Sutllo !) je peux contempler mon rendez vous ! "J'ai rendez vous avec vous...La Pique...mais....pas qu'avec vous !" Vais je laisser le tout voisin Verdaguer (3133 m)  vierge de ma présence ? Le soleil est brillant, le ciel étincelant, ma forme parfaite ...c'est dit, je vais venir, attendez moi !
Bon d'abord la Pique ! Je franchis la barre des 3000 sans le savoir, peut être est ce ce grand cairn posé sur ce replat ? je suis seule, les quelques marcheurs ont pris la voie rapide et "mes coéquipiers" de fortune sont loin derrière.
Vue d'ici elle n'est pas vraiment belle, je m'attendais à de l'aigu et c'est de l'arrondi.



Toutefois, quelques 260 m plus haut, lorsque je débouche sr le toit de la Catalogne, j'ai les larmes aux yeux d'émotion (intacte en écrivant). J'ai réussi mon rêve, encore un....
Certes j'ai mis longtemps; il est 13h30, j'ai marché près de 6 heures, mais qu'importe ....Je suis là, au milieu de gens que je ne vois pas mais je bois un paysage plus pétillant que du Champagne...
Je contemple le Canigou, les Besiberris, la Maladetta et j'en passe que je ne sais identifier.

Je vous les offre:
Le Canigou, 2784 m, au fond


La Maladetta et l'Aneto


Les Besiberri (haut gauche, ma tentative 2014)
Et puis, plus près, les beaux étangs de Sutllo et d' Estats ainsi que la croix sommitale.




Au pied de la croix, sous une pierre, bien enveloppé dans une pochette plastique, j'ai laissé un petit message pour mes êtres chers, mes amis, vivants ou morts.

Un jour peut être y retournerai-je...
Etangs d' Estats , de Sutllo et Pic de Monteixo
Il est temps pour moi, après 20 mn de contemplation, d'émerveillement et d'émotions confondus de filer chez le voisin Verdaguer, désert, tout aussi minéral et déchiqueté.
La Pique apparaît dans tous ses E(s)tats, rocheuse et encombrée, bruyante. Et un peu moins arrondie, sous cet angle.

La Pique vue du Verdaguer

Subrepticement, une idée a fait son chemin en moi, et devient lancinante. Je regarde l'heure, je mesure l'état de mon pied et je fonce, en courant, dans la descente, comme si je devais prendre mon élan pour.....le Moncalm tout proche, 3077m. Je ne vais pas passer à côté, il suffit de tendre les bras...Enfin pas tout à fait.

Nu et blond, tout rond, le Moncalm, sommet ariégeois.

Et m'y voilà, il est 14h 35, c'est calme à souhait, je vais me sustanter, j'ai quand même fait un bel effort, je peux respirer.


Tiens, au fait, je respire aussi bien -j'ai cette chance- dans mes escaliers que à 3000m . Il y a longtemps que je me suis aperçue que je ne ressens pas les effets de la raréfaction de l'oxygène. Sans doute plus haut le sentirais je.

 Les 4000 ne sont pas prévus :-)))...pas encore...

Il est 14h50, je prends mes jambes à mon cou et je file autant que je peux, dans une vertigineuse descente, juste pour le fun.. Mon pied crie et proteste, j'aurai bien le temps de l'écouter plus tard.
Je regrimpe sans trop de mal le Sutllo, j'ai encore de l'énergie à revendre mais le Pic de Sutllo et ses 3073m me laissent de glace,Courte escale  au Port pour un brin de conversation en français -enfin!- et je refais en courant le chemin à l'envers, descente des 300m du Port de Sutllo.
En doublant mes coéquipiers du jour (pour l'anecdote, ils finiront leur périple alors que je savoure mon repas du soir au bivouac).
(Soyons modestes, quand je dis courir je fais rire les jeunes...je cours de la vitesse de mes petites jambes sexa ...non, pas  sexy)!

L'arrivée en bas des éboulis sera le point de départ du fastidieux retour, malgré la beauté du paysage que quelques nuées revêtent : ce sera long, très long car très douloureux. Ah il va m'invectiver tout au long du trajet ce pied victime de maltraitance. Je cède à la fatigue quand même ;, je me force à me nourrir sans faim, pour tenir, j'ébauche des projets pour tuer le temps au rythme soutenu de mes pas.



Et je finis, après 12 heures d'absence, par retrouver mon petit camion sagement posé au bout de la piste, dans l'attente de nouvelles aventures



Que vous suivrez avec moi.
Si vous le voulez bien....


Finalement....même s'il fut long et ardu, je l'ai vraiment trouvé , le


En chiffres :
Temps de marche : 10 heures 
Dénivelé positif cumulé: environ 1530 m
Distance parcourue : un peu plus de 19 km