vendredi 29 novembre 2013

" Els Empedrats" : "les empierrés"


Tout a commencé par une fuite. Obligée, car je n'avais aucune envie de bouger du coin du feu où le froid et la tramontane à 120 me bloquaient  comme une marmotte en hibernation. Un vent fou, froid, exaspérant qui donnait envie de se terrer. Alors je me suis boostée et j'ai filé en Espagne où j'ai trouvé rapidement un ciel serein, un vent nul et un froid certain, surtout dans mon hôtel. J'ai logé mon hôtel portatif à Gisclareny, 1400 m d'altitude, face à MA Pedraforca,(clic), sous des millions d'étoiles. Au terme de 7 km où les pentes de la route varient entre 13% et 15%.
Le village comptait ce soir là un seul habitant : moi !
Mes voisins étaient l'église, le cimetière, la mairie, deux maisons ...et la Pedraforca enneigée.

Gisclareny : le village 

La Pedraforca au couchant


Au matin...

Mon hôtel: à l'intérieur, moins 2°, dehors moins 4°, mais le froid, connais pas!

Surtout devant ce "papier peint"!

En fait, j'ai un amour de petit chauffage à gaz qui assure le bien être dans mon cocon et un lit douillet. Un chauffage que  j'allume soir et matin, pas la nuit.
Ainsi qu' une bonne bouillotte: Lison qui s'enfouit dans la couette.








Comment voulez vous avoir froid devant cela ?


Dans le matin glacé je file sur la piste de terre vers " les empedrats".
Dans la Sierra du Cadi (mon lieu de prédilection actuel, en Catalogne espagnole) ce site est ainsi nommé car le sentier qui suit la rivière Pendis était jadis empierré; chemin muletier qui traversait la sierra pour relier les versants nord et sud, entre Baga et Bellver de Cerdagne.
Le départ, au bord de la rivière Bastareny est à 912 m d'altitude et Bellver à 1035 m. Entre les deux, 17 km qui franchissent le col de Pendis, 1786 m. Je n'y suis pas arrivée, ce qui m'intéressait, c'était le site des "Empedrats".

Les gorges des Empedrats


restes du pavage  du sentier

Un muret en demi cercle, comme un banc, face à ...

face à une vasque d'eau limpide dans la rivière
Sûrement pas anodin ce site: parle t'il du retour des mulets à travers les montagnes et d'une halte repos ?

Le sentier sent bon le sous bois, l'odeur âcre des buis, le sous bois respire la rivière dans un vrai désert humain: là aussi, un seul habitant, moi.



Le "bullidor de la llet" (là où bout le lait) : le lait a trop bouilli, la casserole a brûlé et le lait s'est évaporé; il ne reste que des blocs moussus d'un beau tapis en camaïeux de verts. J'emprunte des images sur internet pour voir à quoi ça ressemble "en eau".




Même chose pour ce curieux chenal taillé dans la roche par l'eau ; pour l'eau (laiteuse et bouillonnante), je repasserai au printemps.











Ensuite, j'entre dans "les Empedrats" par la porte de service: l'entrée de la gorge.


Un imposant relief calcaire au fond duquel coule une rivière aux eaux limpides, en cascades et en vasques.




























Un abri sous roche permet d'entrevoir un monde ocre et des vitraux exceptionnellement bleu vert.
 Une merveille !


















Partout, le chant de l'eau, quelques oiseaux qui ne craignent pas encore l'hiver, des murailles rocheuses et un calme ! Solitude garantie pour qui l'apprécie.
Comment on marche là dedans? Il y a le sentier, muletier, mais dans les gorges, il disparaît parfois au bénéfice des rochers à franchir. Non, c'est plutôt facile quand on a le pied "marin". Et qu'on est habitué à crapahuter mais attention: ça glisse !






Un beau jacuzzi







L'étonnement, c'est les arbres et les végétaux qui s'accrochent à la roche, puisant leur nourriture on ne sait où et ancrant leurs racines dans on ne sait quoi : magie végétale de ces chênes suspendus dans le vide,








de ces étonnantes "fleurs de roche"




et surtout, surtout, très haut dans les airs, cet arbrisseau qui s'est soudain ravisé ou bien a eu le vertige, ou bien a eu peur du vide...enfin, qui d'un coup s'est ravisé et a élégamment changé de cap !!




Moi aussi, je changerai de cap, plus tard, dans l'après midi, après mon farniente / lecture au soleil d'automne.
Direction l'autre versant de la sierra du Cadi enneigée, par le tunnel du  Cadi (5km).




Vous me suivrez dans ma balade du lendemain en raquettes? Altitude 2500 m .



mercredi 27 novembre 2013

"Le coeur grenadine" ...


C'est un des fruits de l'automne au jardin, et c'est un de mes fruits préférés, du moins ceux de ce très vieux grenadier dont le coeur flanche: heureusement il nous a offert cette année 
3 rejetons encore bébés.
Mais je vais essayer de le requinquer. Parce que  ses grenades 
sont délicieuses, sucrées et sans acidité.















jeudi 21 novembre 2013

A mon père...

Mon père était tellement vivant, tellement actif, que la mort ne pouvait que le faucher  par surprise.
C'est ce qu'elle a fait.
Une semaine avant ses 86 ans.
Elle a fondu sur lui dans son jardin.


Mon père était un homme de la campagne et nous avons partagé beaucoup de choses ensemble.
Des drôles de travaux, notamment.
La " rigole " est un de ceux-là.

C'était en 1997 et en 1998 que nous avons fait 
"un travail de romains".

Les pluies violentes ravageaient régulièrement le bord d'une vigne en pente, alors il a décidé de les canaliser.


La Rigole, c'est 90 m de long, plus de 50 tonnes de cailloux, 7300 galets pour le pavage au sol, de la terre, un cordeau, des bêches, une truelle pour peaufiner le travail.
Et puis, des bras, de l'énergie et...du bonheur !
Ainsi que des voyages de cailloux. L'amusant, dans l'histoire, c'est que tous les cailloux sont importés alors qu'ici, le sol en regorge; mais mon père les ramenait de son lieu de vie, à 15 km,  et moi de mon lieu de travail, à 25 km de là
Tous les cailloux du pavage sont les plus plats possible, montés de l'aval vers l'amont en "écaille", à sec, c'est à dire que l'ouvrage en entier a été réalisé sans ciment.( Photos scannées d'argentique et de piètre qualité)


 On s'amusait à y inclure des cailloux originaux, ramenés de balade: ainsi le milieu est en lave du Cantal.





Le 22 juillet 1998, après avoir terminé par un pavage de galets de la Garonne ramenés d'une excursion, on a fêté en famille l'inauguration sans eau mais au champagne !


Nous, on pensait déjà au prochain chantier !





15 ans se sont écoulés et j'entretiens soigneusement l'ouvrage: il faut que l'eau s'écoule sans entrave, il y a à peu près une fois l'an un gros débit, sinon, c'est sec et archi sec.
L'entretien consiste à ôter les herbes et débris du fond et des côtés.

Mais c'est quand il pleut à verse et depuis assez longtemps, en automne notamment, que le véritable entretien s'impose.
A n'importe quel moment du jour...ou de la nuit: il m'est arrivé d'aller vérifier en pleine nuit que rien n'entrave.
Voici quelques images en nocturne: faut dire que j'adore ça! Le calme de la nuit, le bruit de l'averse martelant le sol et les végétaux, les gouttes qui scintillent dans les phares...c'est féérique...




Il faut enlever les feuilles amassées par le vent et c'est bien plus facile quand elles sont mouillées: alors je ratisse les 90m et j'aime ça même si c'est un peu fou.
Mais je pense que de là haut mon père me protège et est content de voir que son ouvrage perdure, sans faille. Car ce n'est pas le seul de ses ouvrages que j'entretiens...
je rassemble de petits tas de feuilles

Tellement beau, la pluie qui scintille, la nuit !






Je crois que je n'y vais que pour cela ...

mardi 19 novembre 2013

A ma mère ...

Ma mère est une femme remarquable.
Ce n'est pas parce qu'elle est ma mère que je dis cela.
C'est juste parce qu'elle est remarquable.
Elle n'aime pas l'idée que je fasse un blog -qu'elle n'a jamais vu- mais je tiens à lui rendre hommage.
En couleurs et en saveurs.
Parce que malgré ses 83 ans, elle reste un maître en matière de confitures, gelées 
et  pâtes de fruits
Entre autres spécialités et qualités !

Voici ce qu'elle a fait du petit seau de cynorhodons que j'ai ramenés de la montagne!














Et ça, c'est un plein d'énergie à chaque cuillerée !


dimanche 17 novembre 2013

Etangs d'Engorgs (Espagne): le sentier des dépouilles...

C'était le 28 octobre et l'hiver ne pointait pas encore son nez: il s'est bien rattrapé depuis !




Entre Puigcerda et La Seu de Urgell, à 10 km de l'axe routier se trouve le village de Méranges, logé dans un écrin coloré. A cette altitude (1500 m environ), il y a des prairies, des bois, des pâtures et...une vigne expérimentale !


J'ai retrouvé Camille, nous avons installé nos bivouacs roulants dans un parking de montagne à 1700 m,
 sous les étoiles et la tempête de vent du Sud.



Départ de la rando dans les prairies en suivant un vieux mur fascinant de beauté et de longueur.
On suit une belle rivière bondissante et on fait escale casse croûte à la Cabana del Tarter, un vieil "orri" quelque peu abîmé. Dommage...


Le paysage de ces montagnes côté sud est très minéral, on atteint vite l'étage dit montagnard,où ne pousse que le pin à crochet et quelques belles fleurs rescapées du printemps semble t'il.





Voici le pic de Peiraforca, 2609 m (pas la Pedraforca d'un précédent billet) qui émerge comme une dent dans un paysage plus saharien que montagnard!





On grimpe sous un ciel très bleu et un vent du sud très fort qui se moque de nous car il change de direction sans cesse à cause du relief: il s'amuse bien, le chenapan!
Nous arrivons à Engorgs, une série de 5 lacs dans un désert minéral tout blanc; des vaguelettes pressées écorchent la surface de l'étang dels Minyons (des jeunes hommes) à plus de 2500m et malgré mon envie de grimper tout là haut sur la Portella d' Engorgs (2697 m), on restera "en bas" parce qu'en haut le vent nous emporterait, tout simplement!
Les crêtes me tendent les bras, entre 2700 et
2800 m mais...je reviendrai!

Pas maintenant, c'est sûr, elles sont ensevelies sous la neige.




On salue au passage des petits étangs et le grand Estany Llarc (Long) avant de trouver un abri rocheux et chaud en guise de restau.


Estany Llarc









La rivière d'Engorgs descend en sautillant, toute fière de son inimitable couleur bleue.

Nous, on sautille un peu moins, on essaie même de ne pas faire le grand saut!



Un refuge à la porte poussive ouvre sur un antre sombre mais rassurant.


J'aime ce texte recopié et traduit (en espagnol) sur une grande feuille collée sur  la porte.

  Extrait de la dernière lettre d'Everett Ruess à son frère (11 novembre 1934). 






"Quant à savoir à quel moment je rendrai visite à la civilisation, je peux dire que ce ne sera pas de sitôt, je pense. Je ne suis pas las de la nature; au contraire, je jouis toujours plus intensément de sa beauté et de la vie errante que je mène. Je préfère la selle de mon cheval aux voitures des villes, le ciel étoilé à un toit, la piste incertaine et difficile qui conduit vers l'inconnu à n'importe quelle chaussée pavée et la paix profonde de la vie libre au mécontentement qu'engendrent les villes. Dans ces conditions, me blâmes-tu de rester dans cet endroit auquel je sens que j'appartiens, où je suis seul avec l'univers autour de moi? Il est vrai que la compagnie me manque, mais ceux avec lesquels je peux partager ce qui a tant d'importance pour moi sont si peu nombreux que j'ai appris à m'en passer. Il me suffit d'être environné par la beauté...[...] J'ai      trop connu ce que la vie a de profond et je préfèrerais n'importe quoi à un retour au trivial." 
                            

Everett Ruess a disparu, après cette dernière lettre du 11 novembre 1934  à son frère, 
dans le désert d' Utah.
Il avait 20 ans, une intelligence hors du commun et un esprit aventurier.

Le sentier des dépouilles ai-je dit en titre...
Nous avons rencontré beaucoup d'ossements: moutons, vaches, et même une vache momifiée, 
les os déjà blanchis par les vautours
Nature morte made in montagne



Mais pas seulement des animaux! Des arbres aussi: une immense avalanche de 2 km de long a dévalé la montagne, butté sur la rivière et en faisant un angle à 90°, a suivi le cours de la rivière, en déposant les arbres sur tous les virages et même à des hauteurs inimaginables. Quel vacarme cela dut être...

Avalanche


La rivière a charrié des dépouilles d'arbres

Impressionnés par ce que l'on découvre -et qu'on avait ignoré en montant -, on poursuit notre sentier de retour vers le parking:; juste un petit 840 m de dénivelée et un sentier facile car bien équilibré dans ses montées et ses descentes.
Et puis, surtout, des paysages somptueux...